A la rentrée de septembre 96, le Club Dorothée est en quête de renouvellement, et notamment pour son émission quotidienne d'après-midi, qui avait été supprimée entre fin mars et début juillet. La poursuite après l'été de cette tranche entre 17h et 17h30 est plutôt une bonne nouvelle pour la production, même si elle n'a pas le contrôle sur les séries proposées. TF1 préfère en effet depuis l'automne 95 utiliser le Club Dorothée de fin d'après-midi pour diffuser des programmes qui lui permette de remplir ses obligations de quota de diffusion d'oeuvres françaises, en l'occurrence des sitcoms, même si les scores d'audience en pâtissent... Retour sur les fins d'après-midi de l'automne 96 au Club Dorothée.


Le mardi 3 septembre, jour de rentrée, naît le Cyber Club Dorothée, "la seule émission super-net" comme l'annonce le nouveau slogan. Le principe est simple, Dorothée nous présente l'émission depuis un ordinateur qui permet de "surfer" sur tous les programmes et toutes les rubriques de l'émission. L'univers graphique sert de décor à l'animatrice (incrustée sur fond bleu) qui navigue au gré des fenêtres et des clics sur les boutons de cet ordinateur. On voit ici s'opérer le choix de la production de remettre Dorothée au centre de l'émission, comme c'est le cas notamment le mercredi après-midi dans le Super Club Dorothée (et dans une moindre mesure le mercredi matin) où elle est seul chef d'orchestre du déroulé de l'émission.

Ariane est toujours annoncée, bien sûr, comme co-animatrice mais n'est plus en compagnie de Dorothée tout au long de l'émission (pour rappel les animateurs masculins Jacky, Corbier et Patrick eux ne sont plus présents dans l'émission quotidienne depuis janvier 95). Au visionnage des premiers numéros du Cyber Club Dorothée, on peut noter qu'Ariane ne fait pas preuve de son entrain habituel, et pour cause.

Concernant son contenu, l'émission propose désormais chaque jour de retrouver des "correspondants" qui nous révèlent quelques infos étonnantes depuis une ville dans le monde. En réalité et à quelques exceptions près, il s'agit de membres d'équipe de production qui enregistrent leur pastille dans les bureaux d'AB. Cinéma, people, histoire, sciences et nouvelles technologies sont les principaux thèmes de ces petites infos données dans la première partie de l'émission. Autre nouveauté, Dorothée reçoit chaque jour un invité. Il s'agit bien évidemment des vedettes de chez AB, à une ou deux exceptions près. Chaque personnalité est interviewée pendant 1 minutes 30 environ dans la seconde et dernière partie de cette quotidienne. Le découpage de l'émission s'effectue ainsi, les plateaux occupant environ 5 minutes, autour d'une coupure pub et d'une série :

Plateau 1 - Accueil des téléspectateurs par Dorothée, elle enchaîne ensuite sur la rubrique "infos du monde" délivrées par les "reporters" du Club Dorothée. Dorothée passe la parole à Ariane pour le premier jeu de l'émission, le Cadeau du Club Dorothée, dont le lot est annoncé par M. Cadeau, fidèle au poste. Ariane s'éclipse et Dorothée accueille l'invité du jour du Cyber Club Dorothée et lui demande s'il ou elle est prêt à répondre à toutes les questions. Une sorte de teaser, juste avant de lancer la - super - série et les pubs bien sûr.

Plateau 2 - Retour après la série, Dorothée appelle Ariane pour lancer le second jeu, le traditionnel Bon Numéro. Après que M. Cadeau ait délivré son présent au gagnant, Ariane laisse place à l'invité du jour. Actualité et auto-promotion de la vedette AB sont au menu cette courte interview. Ariane revient après celle-ci pour souhaiter un joyeux anniversaire aux membres du Club Dorothée, comme le veut la tradition de la fin de l'émission. Et c'est en musique de se conclut le Cyber Club Dorothée avec un clip, bien sûr.

Visionnez une émission complète, celle du 15 novembre 96 ici :

Vidéo initialement postée par Jayce2007


Au cours des 55 émissions que comptera le Cyber Club Do', 51 personnalités issues des productions AB rendront visite à Dorothée, ainsi que 2 artistes dance (Corona et le groupe Class 41) et Inger Nilsson, comédienne qui interpréta Fifi Brindacier dans le série éponyme dans les années 70. La liste exhaustive de cette programmation est disponible ci-dessous. Certaines des vedettes AB feront d'ailleurs dans cette formule leur dernière apparition dans l'émission, et même plus, sur TF1 ou à la télévision tout court. Ces émissions sont bien évidemment enregistrées à l'avance, tournées généralement par dizaine de numéros. A noter que l'émission du samedi matin très tôt, enregistrée en même temps, est conçue sur le même principe, mais sans invité.


Sur la forme, l'habillage, qui n'était jusque là qu'un élément (très efficace et très important) d'identification et d'accompagnement du programme, passe à un niveau supérieur. En effet, les deux animatrices étant directement intégrées dans l'univers graphique, il devient partie prenante du déroulement de l'émission et interagit avec elles. L'ordinateur géant (fortement inspiré de l'univers MacOS d'Apple de l'époque) devient leur décor. Les fenêtres s'ouvrent au gré des clics sur les icônes du menu ou des signes du doigt de Dorothée. Sur le menu, chaque icône représente une séquence de l'émission (jeux, invité, cadeaux, clip, sommaire... - voir ci-dessous). Chaque clic ouvre une nouvelle fenêtre qui se referme ensuite, tout est bruité avec des sons informatiques.

Cette mise en scène va subir quelques ajustements lors de ses premiers jours. Les deux premières semaines (du 03 septembre au 14 septembre) le fond d'écran de l'ordinateur est mauve clair. La mise en page est ainsi faite pour la première émission : le menu est situé au bas de l'écran, et Dorothée est dans une fenêtre sur la gauche de l'écran, dans une fenêtre. Ariane est dans une fenêtre également, sur la droite, tout comme les invités. Les transitions entre les séquences se font à l'aide d'un flèche qui clique et double-clique sur le menu. Mais dès le second numéro (jeudi 05/09) Dorothée passe au premier plan. Elle semblait un peu à l'étroit dans sa fenêtre. Du coup le menu au bas de l'écran devient problématique puisqu'elle est devant. Ce problème sera résolu par la seconde version de l'ordinateur.

En effet, à compter du 16 septembre, afin sûrement de rendre l'émission plus chaleureuse, des couleurs plus vives habillent l'ordinateur géant à l'intérieur duquel navigue maintenant une Ariane miniature et bien plus dynamique. C'est elle qui active les différentes rubriques en tapant sur le menu qui est désormais sur la droite de l'écran. Elle retrouve ainsi une place de co-animation plus significative. Le fond d'écran n'est plus seulement uni, il est plus dynamique lui aussi avec des fenêtres qui s'ouvrent et se ferment en permanence, laissant apparaître des images provenant du monde entier ou des séries de l'émission.

Les émissions étant enregistrées par "lot", ces choix de modifier quelque peu le concept sont intervenus après les 7 premiers enregistrements fin août, le tir a donc été rectifié rapidement. En effet, le 04 septembre, l'habillage (génériques/jingles) de la matinale du mercredi matin en direct est déjà dans ses couleurs définitives, alors qu'il n'interviendra qu'une semaine et demi plus tard sur les "cyber" quotidiennes.

Côté musique, après une saison 95/96 ou l'habillage sonore n'était majoritairement plus chanté (excepté l'été 96), le nouveau générique revient à ce fondamental et est totalement en adéquation avec l'univers cyber de cette formule. "Venez surfez sur le Club Dorothée" sera à l'antenne toute la saison.

Générique du Cyber Club Dorothée 96/97

 


Côté programmation des séries, les rediffusions de Premiers Baisers déjà entamées durant l'été, sont à l’antenne à la rentrée et jusqu’au mardi 8 octobre. Elles réalisent de très bonnes performances notamment sur les ménagères de moins de 50 ans (36% de parts de marché) et les 11-14 ans (37% de parts de marché). Cette programmation permet aussi de remplir les quotas de diffusion d'oeuvres françaises que TF1 se doit d'honorer. C'est une sorte de deal, la chaîne accepte ainsi de faire des scores moyens sur la globalité du public (environ 25% les 4 ans et plus), remplit ses quotas mais conserve des scores élevés sur les publics préférés des annonceurs publicitaires.

Pourtant, après un mois, changement de braquet pour TF1 qui, devant des résultats très faibles sur les 4-10 ans (largement occupés par les dessins animés de France 3), demande la programmation d'un dessin animé. AB est surpris, la chose ne s'était pas produite depuis... juin 1992. L'objectif supposé est de pouvoir offrir aux annonceurs, à l'approche de Noël, un espace en avant-soirée où les enfants sont présents devant la chaîne.

C'est ainsi que le retour des Chevaliers du Zodiaque est célébré en grande pompe le 09 octobre, après plus de 2 ans d’absence dans le Club Dorothée. Le dessin animé ne rameute pourtant pas plus de jeunes enfants mais en plus, comme le présageait AB, toutes les autres cibles d'audience sont en baisse. L'émission perd entre 100 000 et 200 000 téléspectateurs, passant sous la barre du million et tombe même jusqu'à 17% de pdm, battue par France 3. De plus, et c'est sûrement le pire pour TF1, la fameuse ménagère de - 50 ans s'en va aussi chercher son bonheur sur les autres chaînes.

Après seulement deux semaines et demi, c’est finalement Salut les Musclés (énième rediffusion des premiers épisodes datant de 1989) qui est à nouveau proposé par TF1. La sitcom prend le relais à partir des vacances de Toussaint le 28 octobre. Salut Les Musclés, justement aidée par les vacances scolaires (et le fait que Les Minikeums n'aient pas leur horaire habituel pour cause de tennis) permet une remontée des audiences au dessus du million de téléspectateurs, mais la part de marché ne repassera plus au dessus des 22% soit 3 points de moins que Premiers Baisers en septembre. Pour AB, ces changements brutaux de programme et donc de public visé ont pour but d'affaiblir voire de condamner l'émission, vu que cette programmation lui est imposée par la chaîne.

Globalement, l'émission passe donc de 25% de pdm à 19% entre septembre et décembre, avec en moyenne 1,13 million de téléspectateurs. Les scores bien trop faibles en décembre, où l'émission est battue par Les Minikeums (notamment parce que ceux-ci commencent 25 minutes plus tôt et durent donc plus longtemps), vaudront une mise en demeure de la chaîne à AB de respecter sa clause d'audience contractuelle qui veut que l'émission ne doit pas faire moins de 5 points d'audience que la moyenne de la chaîne sur les 6 derniers mois. L'ironie voulant que ce soit la chaîne elle-même qui a conduit à cet état de fait. Le couperet tombe, TF1 remodèle ses après-midis et déprogramme définitivement le rendez-vous quotidien de Dorothée à partir des vacances de noël 96. La dernière du Cyber Club Dorothée, et donc la dernière émission d'après-midi du Club Dorothée sera diffusée le 20 décembre 96.

 

Un peu de contexte pour conclure, rappelons qu'en 1996, l'Internet n'en est qu'à ses balbutiements. Le grand public est encore novice au sujet de cet outil et de ce langage informatique. Le Club Dorothée est finalement un peu à l'avant-garde, soucieux sûrement de concurrencer les émissions dont les animateurs sont déjà des éléments 3D (Donkey Kong etc...) mais en essayant de garder ce lien humain qui tenait tant à Dorothée. Aujourd'hui, à l'heure où l'Internet est devenu un concurrent féroce de la télévision, tant sur les contenus que sur la façon de les consommer, il est amusant de voir que Club Dorothée fût la première des émissions à embrasser l'utilisation du web. Nous pouvons nous demander s'ils n'étaient pas trop en avance sur ce coup là. Il en ressort que les quotidiennes dégagent une image plus moderne mais un peu plus froide comparée aux saisons précédentes, et aux émissions en direct du mercredi bien plus dynamiques. Malgré la disparition de la formule purement "cyber", l'émission conservera cette thématique dans l'habillage visuel et sonore jusqu'à la fin de l'émission, le 30 août 97.


Enfin, pour l'anecdote, une émission cyber et super-net se devait d'être connectée et d'avoir un site internet officiel ainsi qu'une adresse mail : www.abweb.com/clubdo/index.html et clubdo@abweb.com. Les deux ne fonctionnent plus mais vous pouvez voir à quoi cela ressemblait en 96 c'est ici... 20 ans nous séparent !