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historique Dire que le Club Do' est né dans la douleur est presque un euphémisme. En plus d'un transfert de chaîne qui fît grand bruit, ce mercredi 2 septembre 1987, les soucis techniques n'ont pas épargné les animateurs de la nouvelle émission destinée à la jeunesse, sur la fraîchement privatisée TF1. Que cela soit le matin dans Dorothée Matin ou l'aprés-midi dans le Club Dorothée, les problèmes de son, de magnétos, un décor non-terminé et parfois le trac de Dorothée et de ses complices ont fait démarrer l'émission sur les chapeaux de roues. Pourtant cette équipe n'est pas nouvelle en télévision, et les jeunes téléspectateurs la connaissent bien...
Le départ de Récré A2 Quelques mois plus tôt, ils officiaient encore sur le service public, sur Antenne 2, dans l'émission jeunesse Récré A2 et cela depuis 10 ans, avec un succès incontestable. Téléspectateurs et critiques plébiscitent l'émission, éducative et divertissante, produite par Jacqueline Joubert. Mais Francis Bouygues et Etienne Mougeotte, nouveaux patrons de TF1 décident de faire appel à Dorothée pour animer les cases jeunesse de leur chaîne. Et lui offrent un pont d'or : le poste de conseillère aux programmes jeunesse ainsi que des centaines d'heures de programmes par an (600 pour commencer), toutes les cases destinées aux enfants lui revenant. Devant une telle proposition, difficile de dire non. Les négociations commencent donc entre TF1, Dorothée, et AB Productions ses partenaires depuis toujours et avec qui elle souhaite travailler pour la production éxécutive du programme. Jacqueline Joubert "sa seconde maman", celle de télévision, à qui AB a fait la proposition de les accompagner doit également être de la partie. Mais un article paru dans le Parisien prédisant l'arrivée de Dorothée sur TF1 ne mentionne pas Jacqueline Joubert... Pensant avoir été trahie et que l'équipe a conclu sans elle, elle prend position contre son animatrice et son départ vers la chaîne privée. Pire, elle décide de l'évincer de l'antenne le plus rapidement possible, nous sommes alors fin mai 87. Dorothée tourne sa dernière de Récré A2 mais ne le sait pas, elle est d'ailleurs filmée le moins possible sur ordre de Mme Joubert (1). Dorothée est licenciée le 02 juin, par télégramme et est remplacée par Marie Dauphin et Charlotte Kady dès le 03 juin... Dorothée n'aura pas eu le temps de dire "au revoir" à ses copains de Récré A2.
L'Arrivée sur TF1 Pour ses nouvelles émissions, Dorothée et TF1 s'entendent donc pour que la production soit assurée par les équipes d'AB Productions. Producteurs musicaux de la chanteuse jusque-là, Jean-Luc Azoulay et Claude Berda se lancent donc dans la production télévisuelle avec un défi de taille, produire 7 heures d'émissions par semaine. Leur seul bagage télévisuel est la collection de clips "Le Jardins des Chansons" pour A2 et quelques captations des spectacles de la chanteuse. Pour réussir, ils débauchent la majeure partie des équipes artistiques de Récré A2 hormis Cabu, Alain Chaufour et quelques autres, qui refusent de céder aux sirènes de TF1. En revanche, le réalisateur Robert Réa les suit dans cette aventure ainsi que les animateurs de choc de Récré A2 : Ariane Carletti et François Corbier en tête. Jacky, parti sur la Une un an auparavant pour présenter Vitamines, rejoint son amie Dorothée et enfin Patrick Simpson-Jones sera le cinquième animateur. Il a lui-même présenté Récré A2 avec Dorothée au début des années 80, tous les deux se connaissent donc très bien. Pour se mettre en jambe, début septembre 87, ils tournent même un mini-feuilleton dont ils sont les protagonistes : Un Ami qui sera diffusé dans le Club les semaines suivantes. Il est réalisé dans le bâtiment 233 des Studios de France, dans ce qui sera le studio d' AB durant les premiers mois.
87 / 88 Les DébutsLa principale angoisse de cette rentrée 87 est de savoir si les enfants suivront leur copine sur la première chaîne dans un contexte concurrentiel fort (Récré A2 et Youpi étant les principaux rivaux). Les mesures d'audience existent depuis peu à l'époque mais démontrent que le pari est réussi, les jeunes téléspectateurs regardent désormais TF1 (Téléstar du 14/12/87 annonce 13 % d'audience contre 6% pour A2, des chiffres à prendre avec précaution car trop faibles alors qu'il n'y a que 5 chaînes, en revanche le rapport du simple au double doit sûrement être exact.). Les émissions jeunesse de cette première saison sont toutes labellisées Dorothée. En effet, elles se nomment Dorothée Matin, Dorothée Samedi, Dorothée Dimanche et Club Dorothée pour l' après-midi.
Les premières émission sont comparables, dans l'ambiance, à ce que faisait Récré A2. Il y a un dessinateur, Gébédé, une rubrique sur le sport, sur les enfants malades en difficulté, mais aussi évidemment des chansons. Et puis il y a les dessins animés, même si, il faut dire que les débuts sont assez compliqués, comme Jean-Luc Azoulay l'explique " Quand on est arrive sur TF1, tous les stocks de dessins animés internationaux avaient été achetés par Berlusconi pour la 5, au niveau européen. On avait rien. On avait les vieux stocks de dessins animés de TF1" (2).
Enfin une grande inconnue pour Dorothée et sa bande fais son apparition : la publicité, et il faut dire qu'elle ne va pas se faire prier vu le succès populaire de l'émission. Elle est d'ailleurs annoncée comme le moment le plus attendu de l'émission par Jacky dans la première ! Durant quelques semaines, l'émission cherche ses marques mais rien n'entrave sa montée en puissance. L'émission a l'attrait du neuf. Chacun de ses animateurs est supposé avoir un domaine de prédilection : Ariane est au courrier, Patrick aux infos et aux gadgets, Corbier est le poète et Jacky s'occupe des variétés. Il fait d'ailleurs naître le Jacky Show une semaine après le Club Do.
Pour les vacances de la Toussaint 87, Dorothée officie tous les après-midi dans le Club. Fin novembre, Dorothée est finalement nommée Directrice de l'Unité Jeunesse de TF1. Elle porte désormais une double-casquette, celle de cliente et de prestataire. Elle n'est certes pas salariée d'AB Télévision, mais lui commande des émissions dont elle est l'animatrice et la productrice. A TF1, elle sera assistée de Guy Paquette notamment, qui se charge de la coordination avec la chaîne. En effet, celle-ci lui confie de plus en plus d'heures d'antenne (tous les matins et après-midi pendant les vacances). Les programmes qu'elle et AB proposent remportent le suffrage du public, le Club fait le double d'audience de Récré A2 et celle-ci ne cesse de croître. Pour assurer ces heures de programmes, Dorothée et AB mettent à l'antenne dès le printemps 88, des animés japonais qui participent à l'envol de l'émission : Dragon Ball en mars et Les Chevaliers du Zodiaque en avril. Si le succès est encore mitigé pour le premier, c'est un carton pour Seiyar et ses compagnons.
Le 10 mai 88, Dorothée Matin s'installe tous les matins à 7h20 pour 1h de programme en plus. La première saison se termine donc au mieux avec finalement 1200 heures de programmes produites pour TF1, soit le double de ce qui était prévu. L'équipe connaît "l'appétit d'antenne" comme le dit Jean-Luc Azoulay, ils étaient en "en flux tendu, il fallait alimenter l’antenne, sans arrêt, sans arrêt, sans arrêt" (2). Été 88, alors que les émissions sont toutes regroupées sous le nom Club Dorothée, Dorothée et AB s'envolent pour le Japon en août avec pour objectif de revenir avec les mains pleines de nouveaux dessins animés (et de tourner dans quelques séries nippones : Giraya, Liveman et Mask Rider). AB achète le tout par package et c'est ainsi que Lamu, Dr. Slump, Georgie ou encore Juliette Je t'aime et le fameux Ken Le Survivant débarquent sur TF1 à la rentrée 88. Un rentrée durant laquelle la société AB, forte d'un contrat de 3 ans minimun avec TF1, inaugure les nouveaux studios dits de 'La Montjoie" qu'elle a fait construire durant le printemps et l'été 88. Plus de 1500 mètres carrés pour produire les programmes qui occupent déjà 22h par semaine. Le succès ne fait que se confirmer.
88 / 91 : Le succès, et ses revers
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En 1989, les critiques ne font pas de trêve. Une première salve sur la violence à la télé est lancée par Ségolène Royal dans Télé 7 Jours en janvier, Dorothée y répond en mars... Est en cause également le côté commercial du Club, auto-promotion des disques AB, des stars de TF1, et publicité étant omniprésents. Le placement de produits, comme on l'appelle aujourd'hui, était fréquent. Des Musclés, nommés ainsi pour promouvoir la marque Fruité (voir photo ci-dessous), dont le slogan était "C'est plus musclé !" et que Dorothée devait dire le plus souvent possible à l'antenne, à Papi Brossard dont le goûter était célébré tous les mercredi après-midi, sans oublier JouéClub qui offrait tous les cadeaux des jeux de l'ABC ou du Tu Chantes, Tu Gagnes... L'avantage de ces pratiques étant qu'effectivement, il y avait beaucoup de cadeaux offerts par les sponsors à faire gagner aux enfants en contre-partie de cette publicité incoryable ! La CNCL gronde et finit par imposer des quotas de diffusion d'oeuvres françaises et européennes, exige aussi de la chaîne qu'elle produise des programmes français pour les enfants et commence à réglementer le parrainage sur les chaînes de télévision.
Pour Dorothée et son équipe, l'été 90 est celui des premières vacances au bout du monde, en Guadeloupe. Sahara, le dromadaire extra-terrestre leur confie leur première mission : sauver le monde ! Ils s'y emploieront très souvent lors des 7 prochaines années . Corbier, quant à lui, a quelques déboires avec TF1 qui ne veut plus de sa barbe touffue...
Des décisions sont aussi prises afin de calmer le jeu, Ken le Survivant est supprimé à la rentrée 90, au bout de 84 épisodes (sur plus d'une centaine en tout). Il faut dire aussi que TF1 est très mal vue par le CSA qui n'hésite pas la sanctionner. Pour avoir diffusé "des scènes de violence et de sadisme dans des émissions pour enfants" les 5 décembre 1990 et 3 janvier 1991, en l'occurrence dans Dragon Ball Z et SuperBoy (5), le CSA ordonne de TF1 des excuses via un communiqué à l'antenne juste avant le 20 heures le 28 mai 91. Rien de cela n'arrange les affaires de la chaîne ou d'AB. Ceux-ci annoncent la constitution d'un pool de psychanalystes, sous la direction de Catherine Grandcoing (4) qui visionneront tous les épisodes de tous les programmes qui seront diffusés dans l'émission. La même année, La Cinq recrute un des animateurs du Club Do, Patrick Simpson-Jones, pour animer un jeu sur son antenne. Dorothée, Ariane, Jacky et Corbier restent fidèles à TF1..
A Noël 90, Sophie et Virginie, premier dessin animé co-produit par AB, arrive enfin sur le petit écran. Il sera suivi un an plus tard des Jumeaux du Bout du Monde, mais aussi dès septembre 91 du Club Sciences et de Terre Attention Danger, émissions éducatives sur les sciences et le technologie pour l'une et sur les animaux et l'écologie pour l'autre. Autre changement amorcé, la place des animés japonais est un peu réduite, ce sont les sitcoms américaines qui débarquent en masse dans les grilles du Club notamment l'après-midi pour un positionnement plus familial de l'émission. Vu le succès de Salut Les Musclés (ou de Sauvés par le Gong dans Giga), le genre sitcom a de beaux jours devant lui. Arnold et Willy, Punky Brewster, Ricky ou la Belle Vie vont accompagner les après-midi du Club Do' des saisons durant... Côté audiences, la pression est forte, une clause de résultats est inscrite dans le contrat avec TF1. "Il fallait que ça marche, et si ça marchait pas on posait les problèmes et on rectifiait pour que ça marche. Des qu’on descendait sous les 39% de parts de marché, on avait réunion d’urgence à TF1 et puis il fallait qu’on trouve pourquoi. Régulièrement, tous les 2-3 mois. Et on arrivait à remonter." confie Jean-Luc Azoulay sur cette époque (2). La concurrence est assez rude sur la période 89-91. Après l'arrêt de Récré A2 en juin 88, qui n'a survécu qu'une saison après le départ de Dorothée, la chaîne installe un an après, Eric Galliano à la rentrée 89 avec Eric et Noëlla, qui deviendra rapidement Eric et Compagnie puis enfin Eric et Toi et Moi. Le jeune présentateur est accompagné de programmes forts récemment achetés par la chaîne : Jeanne et Serge, Les Tortues Ninja, Alf ou encore les Les Merveilleuses Cités D'or. Et il donne du fil a retordre au Club de TF1, le mercredi matin, oscillant autour de 25% de pdm sur l'ensemble du public et grimpant jusqu'a 30% sur les 6-14 ans. Le Club Do est toute de même leader et devance Antenne 2 d'une quinzaine de points entre 35 et 40% de pdm (et 10 de plus sur les 6-14 ans). Les émissions d'Eric prennent fin en 92 malgré 20% de pdm au compteur. La relève, Hanna Barbera et Pince Moi, Je Rêve ne dépassera jamais ce niveau. Dorothée se stabilise à 45% (soit 1,2 millions de téléspectateurs en moyenne). En parallèle sur La Cinq, Youpi ! grignote aussi des parts de marchés. Même si la chaîne n'est pas reçue comme une grande chaîne nationale, ses cases jeunesse font tout de même partie de ses meilleures scores, environ 15% de pdm sur l'ensemble du public mais sur les enfants de 6 à 14 ans, Youpi ! peut monter à tout de même à 25%. En revanche le mercredi après-midi, aucune émission ne fait le poids face au show du Club, et elles se font largement battre par TF1 (18% pour Antenne 2... contre 45 à 50% pour Dorothée). Pour les après-midi en semaine, Giga sur la 2 est un concurrent sérieux quand il propose des séries populaires : Les Années Collège, Sauvés par le Gong ou la Fête à la Maison permettent à l'émission de frôler les 30%, sinon elle retombe aux alentours de 16%.
Pendant ce temps, Dorothée, la chanteuse, cartonne. Avec son passage sur TF1, elle est devenue une véritable star de la télévision et de la chanson, et ses concerts, de Bercy à la Chine rassemblent plusieurs dizaines de milliers de spectateurs. Le Club la suit pour chaque tournée, en assurant ainsi la promotion à grande echelle. La presse n'en finit pas de questionner cette idole des jeunes, qui reste mystérieuse et se prête peu au jeu de la télévision en dehors de son émission ou de sa chaîne. Elle le fera une fois, chez Thierry Ardisson, dans Double Jeu en mars 92, l'expérience avec Laurent Baffie n'est pas concluante, il finit avec un seau à champagne sur la tête. Le fait qu'il ait distribué ses disques à des enfants dans la rue, en exigeant que les parents paye en retour, ne lui pas beaucoup plu, tout comme le sempiternel "Dorothée n'aime pas les enfants !".
91 / 96 : L'âge d'or, l'expansion et le prix de l'ambitionTF1 renouvelle sa confiance dans le programme, le Club Dorothée avant l'école revient en quotidienne dès octobre 91. Les quelques concessions, l'usure de la polémique et le fait que les audiences soient au beau-fixe (entre 40 et 45% de part de marché sur l'ensemble du public et jusqu'a 70% sur les jeunes) permettent même à l'émission de reconquérir des heures de programmes. De septembre 91 à début 95, l'émission vit son âge d'or. Elle a opéré un virage éditorial payant, les programmes sont désormais "familiaux" : les enfants, les adolescents et les parents peuvent regarder ensemble TF1, avec les sitcoms (français ou américains) mais peuvent aussi participer au Club Dorothée qui devient l'émission "de toute la famille". Pour preuve, le tout nouveau Jeu des Parents en 92, qui les questionne et s'ils se trompent les enfants peuvent répondre à leur place. Ou encore le Club Plus qui s'adresse aux adolescents avec au menu stars et sitcoms. Beaucoup d'heures d'antennes donc, une présence tous les jours, des voyages toujours aussi nombreux... Les dessins animés ne sont plus tellement sujets à polémique, si ce n'est Dragon Ball Z qui reste la bête noire de Télérama, le décrivant comme "faisant peur aux parents"... (5). AB et TF1 veulent désormais la jouer profil bas, mais sans sacrifier les programmes qui font le succès de l'émission. La fermeture de la première 5 de Berlusconi en 91 a déjà permis à AB d'en récuperer le catalogue doté de nombreux hits (Olive et Tom, Jeanne et Serge, Lucille Amour et Rock'N'Roll) et de les diffuser au Club. La fermeture définitve de la chaîne en avril 92 permet en plus à Dorothée de récuperer tout le public aficionado des animés japonais.
A l'automne 92, l'équipe retrouve son cinquième membre, Patrick réintégre l'animation de l'émission. Quelques semaines avant le premier Noël de l'Amitié, opération chère à Dorothée et qui consiste à aider les associations caritatives à recevoir de la part des professionnels du jouet des cadeaux pour les redistribuer aux enfants français défavorisés. Trois semaines plus tard, en janvier 93, c'est Des Millions de Copains qui naît. L'émission caritative mettra chaque semaine une association sur le devant de la scène.
Hélène est propulsée super-star en moins de 6 mois. Les critiques changent un peu leur fusil d'épaule, blâmant désormais la niaiserie des sitcoms et le business AB. Les mercredis après-midi au Club Dorothée sont des grands shows, avec tous les chanteurs d'AB et dance du moment, l'émission fait beaucoup d'auto-promotion pour les sitcoms et leurs comédiens-chanteurs. Le générique est un long travelling qui se balade dans tous les décors des séries avant d'arriver sur le plateau gigantesque du Club Dorothée, orchestré comme un prime de divertissement et avec autant de moyens. D'ailleurs entre 91 et 94, 5 émissions de prime-time sont commandées à AB par TF1, Le Cadeau de Noël (91), Le Cadeau de la Rentrée (92), le Dorothée Rock' N' Roll Show (93), et deux Dorothée Réveillon Rock'N'Roll Show (93 et 94). Ces comédies musicales sont inspirées des shows des Carpentiers, Dorothée y recevant de nombreuses vedettes françaises et internationales.
1995 va s'avérer être l'année du début de la longue fin du Club Dorothée et d'AB sur TF1. Signe annonciateur, en janvier, la case du tôt-matin est récupérée par TF1, qui y installe A tout' Spip. Dominique Poussier, depuis 93, est aux commandes d'une seconde unité jeunesse. C'est elle qui sera chargée de la relève, qui viendra un jour ou l'autre. Mais un événement particulier va précipiter la chute du Club Dorothée. En effet, en coulisses TF1 a bien l'intention de faire comprendre à AB qu'elle ne peut impunément faire fortune grâce à elle et venir jouer sur ses plates-bandes. L'événement déclencheur est le lancement d'ABsat, bouquet de chaînes numériques sur le satellite. Azoulay et Berda, dans leur volonté de diversification, ont l'ambition de devenir eux-mêmes diffuseurs des programmes dont ils ont acquis les droits ou créés au cours des 10 dernières années. Et le satellite est leur opportunité. Dans un premier temps, ils souhaitaient même s'allier à TF1 pour ce projet, mais Patrick Le Lay et Claude Berda n'arrivent à partager que leurs forts caractères respectifs et les désaccords qui en découlent. AB décide donc de partir seul.
En mai-juin 95, alors que sur cette case, l'émission rencontre des difficultés d'audiences depuis quelques mois, le mercredi après-midi est drastiquement réduit. De 2h30, l'émission passe à... 40 minutes, comme les autres jours de la semaine. Elle est renommée le Super Club Dorothée, pendant lequel les chanteurs AB chantent en direct tous leurs tubes du moment. Le reste du mercredi après-midi de TF1 sera occupé par des séries américaines, Dallas par exemple, qui réalisent des scores d'audiences bien supérieurs le reste de la semaine dans les mêmes créneaux horaires. C'est la première des sanctions dues à de mauvais résultats que subit l'émission. Couplés au différent industriel qui est en train de se développer avec TF1, petit à petit, les plages horaires du Club Dorothée vont se réduire.
96 / 97 : La Fin d'une ÉpoqueLa saison 96-97 démarre sur un léger mieux, l'émission revient tous les après-midis, même le mercredi. Avec un show de deux heures animé par Dorothée, seule. Les audiences sont moroses, l'émission s'use et la programmation ne semble pas à la hauteur. En octobre, c'est au tour d'un autre des piliers de quitter l'animation: Corbier s'en va. Un peu poussé vers la sortie par TF1. Dorothée l'aura conservé à ses côtés longtemps malgré les réticences de la chaîne le trouvant, entre autre, trop vieux. La puissance de l'émission aidait l'animatrice à imposer son acolyte. Ce n'est plus le cas. En effet, même la quotidienne à 17h, de septembre à décembre, le Cyber Club Dorothée, est en difficulté et le retour des Chevaliers du Zodiaque dans cette case fait même un flop. Les programmes changent mais rien n'est réellement nouveau. Pire, Dragon Ball Z, l'animé phare, est arrêté début novembre 96, victime de la consensualisation de la chaîne et de la nouvelle signalétique du CSA. En juillet 96 encore, l'association "Les Pieds dans le PAF" interpellait le gendarme de le l'audiovisuel sur la diffusion d'une scène "d'absorption d'un cyborg" qu'elle juge comme "la scène la plus sadique jamais diffusée dans une émission jeunesse". Décidément, DBZ n'est pas digérée par certains adultes. Même Des Millions de Copains est supprimée fin décembre 96. La réduction des cases attribuées au Club Dorothée crée un cercle vicieux. Moins présente, elle est moins puissante, moins puissante, elle génère moins d'audience, déjà entamée par une érosion logique après presque dix ans.
Après une année 96 compliquée, le contrat "jeunesse" avec TF1 est tout de même prolongé pour 1997. La relève n'est pas encore tout à fait prête, tant au niveau de la jeunesse que des sitcoms qui participent fortement au quota de création française que TF1 doit remplir chaque année. Mais la chaîne ne fera aucun cadeau au groupe AB, avec des changements de programmation fréquents et un réduction d'heures d'antenne à seulement 280 heures. Le Club Dorothée n'est plus qu'une partie de l'offre jeunesse, minoritaire.
De fait, les audiences s'en ressentent fortement, alors que l'émission plafonne autour de 28% de pdm sur l'ensemble des téléspectateurs, la concurrence est toujours aussi forte. Les Minikeums et Donkey Kong attirent respectivement 25 et 22% du public chacun. Il faut préciser que leurs émissions commencent beaucoup plus tôt que le Club et durent plus longtemps. Salut les Toons sur TF1 démarre à 7h20 et se termine à 9h30 le mercredi. Le Club n'a que les restes. Les enfants se détournent donc de Dorothée, ils sont 67% des 4-14 ans à regarder la concurrence. Elle n'en rassemble plus que 33% et est devancée sur la cible primordiale des femmes de moins de 50 ans, coeur de l'investissement publicitaire pour TF1...
C'est en mars 97 que TF1 annonce officiellement qu'elle ne reconduira pas le contrat qui la lie à AB Productions pour les programmes jeunesse et que le Club Dorothée s'éteindra fin août 97. La presse, Télérama en tête, jubile, persuadée qu'elle a eu raison de l'émission, ce qui est loin d'être vrai. En avril, l'émission commence encore une demi-heure plus tard le mercredi matin. Mais elle a tout de même été diffusée tous les matins pendant les vacances d'hiver et de Pâques qui sont propices aux voyages à nouveau, en Tunisie notamment. L'été, lui, est en demi-teinte, il faut bien le dire. La dernière mission de Sahara envoie l'équipe en Bretagne. Pour l'occasion Corbier ré-intègre l'émission pour que les Héros du Club Dorothée partent la tête haute. L'avant-dernière émission est enregistrée le mardi 26 août 97 et est diffusée le vendredi suivant, le 29 Août. La direction de TF1 ayant refusé une émission en direct, ce que Dorothée souhaitait afin de dire réellement "au revoir" aux jeunes et moins jeunes téléspectateurs qui l'ont regardé pendant 10 ou 20 ans. Cette émission est l'occasion de voir et revoir les meilleurs moments du programme. Elle se clôture avec toute une équipe émue aux larmes, au son d'Un jour on se retrouvera. Dorothée rend l'antenne à 11h02. On ne la reverra pas de sitôt à la télévision...
A noter que la véritable dernière du Club Dorothée est diffusée le lendemain, à 7h20, sans animateurs, avec 3 épisodes de Pas de Pitié pour Les Croissants et un best-of de l'émission de la veille... La présence d'AB Production sur TF1 subsistera avec Pour Être Libre (sitcom des 2Be3) à l'automne 97, puis avec Les Années Bleues en 98 et Les Vacances de l'Amour jusqu'en 2007.
Références : (1) in Il était une fois : Dorothée - TMC - 2010 (2) in La Télé par AB - Planète - 2007 (3) in Le ras le bol des Bébés-Zappeurs, p.45, par Ségolène Royal chez Robert Laffont - Octobre 1989 (4) in Télérama - 2183 - La Fin des Télégobeurs - pages 8 à 18 - Novembre 91 (5) in Jean-Michel Lacroix, Violence et télévision: Autour de l'exemple canadien - Presses Sorbonne Nouvelle - 1997 (6) in Les Années Dorothée - Jacques Pessis - Editions Chroniques - 2009 (7) in Télérama - 2018 - La Télé Piège à Mômes - pages 50 à 57 - Septembre 88 Sources photos : AB, SFC, Dorothée Magazine, Les Années Dorothée (Jacques Pessis - 2008)
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